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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE


laquelle il convient, et par conséquent c’est un plaisir de trouver toute mesure de la sensibilité inférieure aux idées de l’entendement.

Dans la représentation du sublime de la nature l’esprit se sent ému, tandis que dans ses jugements esthétiques sur le beau de la nature, il reste dans une calme contemplation. Cette émotion (surtout à son début) est comme un ébranlement dans lequel nous nous sentons alternativement et rapidement attirés et repoussés par le même objet. Le transcendant est pour l’imagination (qui y est poussée dans l’appréhension de l’intuition) comme un abîme où elle craint de se perdre ; mais pour l’idée rationnelle du supra-sensible, il n’y a rien de transcendant, il n’y a rien que de légitime à tenter un pareil effort d’imagination : par conséquent il y a ici une attraction précisément égale à la répulsion qui agit sur la pure sensibilité. Mais le jugement même n’est toujours qu’esthétique, parce que, sans se fonder sur aucun concept déterminé de l’objet, il se borne à représenter le jeu subjectif des facultés de l’esprit (l’imagination et la raison) comme harmonieux dans leur contraste même. Car l’imagination et la raison, par leur opposition, comme, dans le jugement du beau, l’imagination et l’entendement, par leur accord, produisent une finalité subjective des facultés de l’esprit, c’est-à-dire le sentiment que nous avons une raison pure indé-