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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE.
B.


Du sublime dynamique de la nature.


§. XXVIII.


De la nature considérée comme une puissance.


On appelle puissance[1] un pouvoir supérieur à de grands obstacles. On dit que cette puissance a de l’empire[2] quand elle est supérieure à la résistance que lui oppose une autre puissance. La nature considérée dans le jugement esthétique comme une puissance qui n’a aucun empire sur nous est dynamiquement sublime.

Pour juger la nature dynamiquement sublime, il faut se la représenter comme excitant la crainte (quoique la réciproque ne soit pas vraie, c’est-à-dire que tout objet qui excite la crainte ne soit pas sublime). En effet, dans le jugement esthétique (sans concept), on ne peut juger de la supériorité sur des obstacles que d’après la grandeur de la résistance. Or toute chose à laquelle nous nous efforçons de résister est un mal, et si nous trouvons que nos forces sont au-dessous de cette chose, elle est pour nous un objet de crainte. Ainsi, pour le

  1. Macht.
  2. Gewalt. Il est difficile de rendre en français la distinction subtile établie ici par Kant entre Macht et Gewalt. J. B.