Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/323

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arts figuratifs passent donc avant elle sous ce point de vue ; tout en donnant à l’imagination un jeu libre et cependant approprié à l’entendement, ils contiennent aussi une occupation, car ils produisent une œuvre qui est pour les concepts de l’entendement comme un véhicule durable et se recommandant par lui-même, et qui sert ainsi à réaliser l’union de ces concepts avec la sensibilité, et à donner par là un caractère d’urbanité aux facultés supérieures de connaître. Ces deux espèces d’arts suivent des marches bien différentes : la première va de certaines sensations à des idées indéterminées, la seconde d’idées déterminées à des sensations. Celle-ci produit des impressions durables, celle-là ne laisse que des impressions passagères. L’imagination peut rappeler les impressions de l’une et s’en faire une agréable distraction, mais celles de l’autre ont bientôt disparu tout entières, ou, si l’imagination vient à les renouveler involontairement, elles nous sont plutôt pénibles qu’agréables. En outre[1], il y a dans la musique comme un manque d’urbanité, car, par la nature même de ses instruments, elle étend son action plus loin

  1. Rosenkranz a supprimé ce passage et la note qui y est jointe, sans doute parce qu’il les a trouvés un peu puérils. — On sait d’ailleurs que l’auteur de la Critique du Jugement n’avait qu’un goût médiocre pour la musique. On trouvera sur ce sujet de piquants détails dans une charmante biographie des dernières années de la vie de Kant par M. Cousin (Voir Fragments littéraires). J. B.