Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/325

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plement dans le jugement et ce qui plaît dans la sensation. Dans ce dernier cas, on ne peut, comme dans le premier, exiger de chacun la même satisfaction. La jouissance (quand même la cause en serait dans des idées) semble toujours consister dans le sentiment du développement facile de toute la vie de l’homme, par conséquent aussi du bien-être corporel, c’est-à-dire de la santé ; en sorte qu’Épicure, qui regardait toute jouissance comme étant au fond une sensation corporelle, n’avait peut-être pas tort en cela, mais seulement il ne s’entendait pas en rapportant à la jouissance la satisfaction intellectuelle et même la satisfaction pratique. Quand on a devant les yeux la distinction que nous venons de rappeler, on peut s’expliquer comment une jouissance peut déplaire à celui même qui l’éprouve (comme la joie que ressent un homme, qui est dans le besoin, mais qui a de bons sentiments, à L’idée de l’héritage d’un père qui l’aime mais qui est avare), ou comment un profond chagrin peut plaire à celui qui le ressent (la tristesse que laisse à une veuve la mort d’un excellent mari), ou comment une jouissance peut plaire aussi (comme celle que donnent les sciences que nous cultivons), ou comment un chagrin (par exemple la haine, l’envie, la vengeance) peut aussi nous déplaire. La satisfaction ou le déplaisir repose ici sur la raison et se confond