Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

comme hommes, mais aussi comme citoyens d’un État divin sur la terre et de coopérer à l’existence d’une société de ce genre qu’on appelle du nom d’Église, la question de savoir comment, dans une Église (communauté de Dieu), le Seigneur veut être honoré ne paraît pas pouvoir être résolue par la raison seule et semble affirmer le besoin d’une législation statutaire, qui ne peut nous être donnée que par révélation, par conséquent d’une foi historique que, par opposition à la foi religieuse pure, on peut appeler croyance d’Église. Dans la foi religieuse pure, on ne considère, en effet, que ce qui forme la matière des honneurs que l’on rend à Dieu, c’est-à-dire l’accomplissement, dicté par l’intention morale, de tous les devoirs en tant que préceptes divins ; tandis qu’une Église qui réunit beaucoup d’hommes animés de sentiments moraux et constitue ainsi une république morale, a besoin d’un système public d’obligations, d’une certaine forme ecclésiastique liée à des conditions empiriques, forme qui est en soi contingente et diverse, et que, par conséquent, on ne peut admettre comme un devoir sans l’intervention de lois statutaires divines. Il ne faudrait pas toutefois regarder, pour cette raison, la détermination de cette forme comme étant l’œuvre du législateur divin ; il y a lieu plutôt de supposer que la volonté divine est de nous voir réaliser nous-mêmes l’idée rationnelle de la république en question et d’imposer aux hommes, malgré leurs essais malheureux de multiples formes d’Église, l’obligation de continuer à tendre toujours vers ce but, si besoin est, par des essais nouveaux, évitant autant que possible les fautes commises antérieurement ; si bien que cette affaire, qui est à la fois pour eux un devoir, est entièrement remise à leurs propres soins. Rien n’autorise donc à tenir d’emblée pour divines et statutaires les lois qui ont trait à la fondation et à la forme d’une Église, et il y a plutôt de la témérité à prétendre qu’elles sont telles pour s’épargner la peine d’améliorer constamment la forme de cette Église, si même