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COEXISTENCE DU MAUVAIS PRINCIPE AVEC LE BON

Si nous considérons ces trois dispositions sous le rapport des conditions de leur possibilité, nous trouvons que la première n’a aucune raison pour base, que la deuxième est sans doute un produit de la raison pratique, mais d’une raison mise au service d’autres mobiles, tandis que la troisième seule a pour racine la raison pratique par elle-même, c’est-à-dire édictant des lois inconditionnellement. Toutes ces dispositions dans l’homme ne sont pas seulement (négativement) bonnes (en ce sens qu’elles ne sont pas en opposition avec la loi morale), mais elles sont même encore des dispositions au bien (en ce sens qu’elles encouragent à l’accomplir). Elles sont originelles, car elles tiennent à la possibilité de la nature humaine. L’homme peut détourner les deux premières de leurs fins et en faire un mauvais usage, mais il ne saurait en détruire aucune. Par les dispositions d’un être nous entendons non seulement les parties essentielles qui doivent le constituer, mais encore les formes suivant lesquelles l’union de ces parties s’opère, pour que l’être en question existe. Ces dispositions sont originelles, si elles sont nécessairement impliquées dans la possibilité de cet être ; et contingentes si, même sans elles, l’être était possible en soi. Il faut encore remarquer qu’il n’est question d’aucune autre disposition que de celles qui se rapportent immédiatement à l’appétition (Begehrungsvermögen) et à l’usage du libre arbitre.


II. ― DU PENCHANT AU MAL DANS LA NATURE HUMAINE

Par penchant (propensio) j’entends le principe subjectif de la possibilité d’une inclination (d’un désir habituel [concupiscential en tant que cette inclination est contingente pour l’humanité en général[1]. Le penchant se dis-

  1. [A proprement parler, un penchant n’est que la prédisposition à convoiter une jouissance, et il engendre l’inclination, quand le sujet a fait l'expérience de la jouissance en question. Ainsi tous les hommes