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AVANT-PROPOS


de raison, de la concordance absolue de la véritable philosophie avec le christianisme essentiel. L’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la liberté, ces trois fondements de la religion, ont toujours fait l’objet de sa croyance et il professa constamment que la raison devait nécessairement conduire à ces thèses et en démontrer la valeur.

Les plus importantes de ces recherches lui paraissaient être au début celles qui ont Dieu pour objet, car une fois Dieu démontré, la nécessité de la vie morale et l’immortalité de l’âme suivaient par voie de conséquence. Or il croyait, dans ses premiers ouvrages, que la science prouve l’existence de Dieu par la contemplation des choses ; les théories mêmes de Démocrite, d’Epicure et de Lucrèce, auxquelles s’apparente son explication du monde, ne conduisent pas nécessairement à la négation de Dieu ; « il faut, au contraire, qu’il y ait un Dieu, puisque, même dans le Chaos, la nature üe peut agir qua d’une façon régulière (1)[1] », La religion n’a donc rien à craindre de la science et elle est compatible avec toutes les hypothèses. Peut-être cependant serait-il convenable de séparer les deux domaines, car si la science admet Dieu comme créateur et conservateur, elle est tout entière soumise au plus rigoureux déterminisme mécanique et ne fait aucune place à la liberté (2)[2]. — Kant reconnut toutefois assez vite la faiblesse inhérente à l’argument téléologique, bon tout au.plus à démontrer l’existence d’un démiurge, puisque rien ne nous autorise à donner à l’auteur du monde une perfection absolue que l’œuvre créée ne révèle pas. On ne pourra donc plus, au moyen des sciences, prouver l’existence de Dieu et l’on devra se contenter de connaitre que Dieu existe par des preuves philosophiques, dépourvues, à

  1. (1) Allgemeine Naturgeschichte und Theorie dei Himmels (1765).
  2. (2) Loc. cit., édit Kirchmann, préface, pp. 3-14.