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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

Il faut encore remarquer que, quand nous recherchons l’origine du mal, ce que nous mettons en première ligne, ce n’est pas le penchant au mal (comme peccatum in potentia), mais seulement le mal réel d’actions données, et ce mal nous l’envisageons dans sa possibilité intrinsèque, tout en considérant ce qui doit concourir en outre, dans le libre arbitre, à l’accomplissement de pareilles actions.

Toute action mauvaise, quand on en cherche l’origine rationnelle, doit être envisagée comme le fait d’un homme en état d’innocence immédiatement avant de la commettre. En effet, quelle qu’ait été sa conduite antérieure et quelles que soient au surplus les causes naturelles dont il subit l’influence, qu’elles se trouvent en lui ou hors de lui, il n’en reste pas moins que l’action de cet homme est libre, qu’elle n’est déterminée par aucune de ces causes et qu’elle peut et doit toujours conséquemment passer pour un usage originel du libre arbitre de cet homme. Il aurait dû se refuser à l’accomplir dans quelques circonstances, dans quelques conditions qu’il ait pu se trouver ; car par aucune cause au monde il ne peut cesser d’être un être agissant librement. On dit avec raison que l’homme est responsable même des conséquences résultant des actions contraires à la loi qu’il a autrefois librement commises ; par quoi l'on veut seulement dire que l'on n'a pas besoin de chercher une échappatoire et de se demander si ces conséquences sont libres ou non, parce qu’il y a déjà dans l’ac-


    pouillés (par la mort) de cette possession. Ô justice des voies légales ! 3o La Faculté de théologie envisagerait ce mal comme la participation personnelle de nos premiers parents à la désertion d’un factieux réprouvé ; si bien que de deux choses l’une : ou nous avons nous-mêmes (sans en avoir maintenant conscience) coopéré alors à cette faute, ou notre seule faute, à nous qui sommes nés sous la domination de ce révolté (qui est le prince de ce monde), est maintenant de préférer les biens de la terre à l’ordre supérieur du Maître céleste et de ne pas avoir assez de fidélité pour nous dégager de l’empire de Satan, dont plus tard aussi nous devons partager le sort.