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PROLÉGOMÈNES A LA MÉTAPHYSIQUE


à l’autre ; manière habilement choisie, parce qu’ainsi on dit ce qu’on sait sans laisser apercevoir ce qu’on ignore : un seul jugement développé, de détail, s’il avait porté, comme cela devait être, sur la question principale, aurait peut-être mis à découvert mon erreur, peut-être aussi le degré de connaissance du critique dans cette espèce de recherches. Ce n’a pas été non plus un artifice mal imaginé pour ôter aux lecteurs qui ont l’habitude de ne se faire une notion des livres que d’après les journaux, l’envie de lire de sitôt le livre même, que de débiter d’un seul trait à la suite les unes des autres une multitude de propositions qui, dépourvues de leur liaison avec leurs preuves et leurs explications (surtout quand elles sont aussi opposées que celles-ci à la métaphysique scolastique), doivent nécessairement sembler des absurdités, de fatiguer la patience du lecteur jusqu’au dégoût, et, après m’avoir attribué la proposition sententieuse que l’apparence constante est la vérité, de finir cependant par cette dure mais paternelle leçon : À quoi donc sert de contredire le langage reçu, à quoi bon, et d’où vient la distinction de l’idéalisme ? C’est là un jugement qui finit par faire consister le caractère propre de mon livre (quand il devait être d’abord une hérésie métaphysique) en un simple néologisme, et qui montre clairement que mon prétendu juge n’en a pas entendu la moindre chose, et qu’il ne s’est pas non plus très bien compris lui-même[1].

  1. Le censeur se bat en plus d’un endroit avec son ombre. Quand j'oppose la vérité de l'expérience au rêve, il ne fait pas attention qu'il