Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/224

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Puis il ajoute, en parlant du mathématicien : « Du mo­ment qu’on lui nie un de ses axiomes, tous les théo­rèmes qu’il en avait fait dépendre tombent inévitable­ment. Mais le cas est si rare, qu’il ne croit pas être obligé d’y sacrifier l’élégante facilité de son exposition, et les belles proportions de son système. La philosophie doit être plus complaisante. » Il y a donc aussi en ce moment une licentia geometrica, comme il y avait depuis longtemps une licentia poetica. Si cependant la philo­sophie complaisante (en matière de preuve comme on vient de le dire) l’eût été assez encore pour indiquer un exemple pris d’Euclide, où cet auteur donne comme axiome une proposition mathématiquement démontra­ble ! Car la preuve de ce qui peut être prouvé philosophiquement (par notions), par exemple le tout est plus grand que sa partie, n’appartient pas aux mathéma­tiques, si on les entend suivant l’acception stricte du mot.

Vient ensuite la démonstration promise. Heureuse­ment qu’elle n’est pas longue : la solidité en est d’au­tant plus frappante. Nous la donnerons donc en entier : « Tout a ou n’a pas une raison. Dans le dernier cas quelque chose pourrait donc être possible et con­cevable, dont la raison ne serait rien. — Mais si de deux choses opposées, l’une pouvait être sans raison suffisante, l’autre des deux opposées pourrait aussi n’avoir pas de raison suffisante. Si, par exemple, une portion d’air pouvait aller à l’est et le vent prendre la même direction, sans que l’air fût plus chaud et plus raréfié à l’est, cette quantité d’air pourrait aussi bien