Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/304

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sur le principe par lequel ils voudraient la remplacer. Ce serait donc un spectacle amusant et instructif tout à la fois, si, oubliant pour quelque temps leur hostilité contre leur ennemi commun, ils essayaient de s’entendre d’abord sur le principe qu’ils veulent lui opposer ; ils en viendraient aussi peu à bout que celui qui pensait à faire un pont le long du torrent, au lieu de le jeter par-dessus.

Avec l’anarchie qui règne inévitablement dans le monde philosophique, parce qu’il reconnaît pour unique souveraine une chose insensible, la raison, il a toujours été nécessaire de rassembler une multitude turbulente autour de quelque grand homme, pris comme centre de réunion. Mais il y avait une difficulté de s’entendre pour ceux qui n’y apportaient pas leur propre entendement, ou qui répugnaient à s’en servir, ou qui, s’ils n’étaient pas dans l’un de ces deux cas, s’étaient posés comme s’ils n’avaient dû faire servir l’entendement d’un autre qu’à l’appui du leur. Cette difficulté a toujours été jusqu’ici un obstacle à une constitution durable ; elle la rendra encore longtemps très difficile.

La métaphysique de M. de Leibniz avait trois points principaux : 1° le principe de la raison suffisante, en tant qu’il devait faire voir simplement l’insuffisance du principe de contradiction pour la connaissance des vérités nécessaires ; 2° la monadologie ; 3° la théorie de l’harmonie préétablies. Ces trois points lui ont suscité beaucoup d’adversaires qui ne l’ont pas compris, mais (ainsi que le dit dans une certaine circonstance