Page:Kant - Prolégomènes à toute métaphysique future, trad. Tissot, 1865.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

formes (spécifiquement propres) de l’intuition. Sa définition de la sensibilité comme d’une sorte de représentation confuse ne doit pas nous empêcher de considérer ainsi la chose ; il faut plutôt la remplacer par une autre plus convenable, puisque autrement son système ne serait pas d’accord dans toutes ses parties. Il est difficile de faire un mérite aux leibniziens de supposer, pour l’honneur de leur maître, qu’il ait commis à dessein et par une habile prévision (comme des imitateurs, pour mieux ressembler à leur original, copient jusqu’à ses gestes vicieux ou ses fautes de langage) une pareille faute. Le terme d’innées dont il se sert en parlant de certaines notions pour exprimer une faculté fondamentale par rapport au principe a priori de notre connaissance, terme qu’il n’emploie que contre Locke, qui n’admet que des notions d’origine sensible, serait également mal entendu, s’il était pris à la lettre.

III. Est-il possible de croire que Leibniz, avec son harmonie préétablie entre l’âme et le corps, ait dû avoir entendu un assortiment de deux êtres tout à fait indépendants l’un de l’autre par nature, et qui ne devaient pas être en commerce mutuel par leurs propres forces ? Ce serait précisément proclamer l’idéalisme ; car pourquoi, en général, admettre des corps s’il est possible d’envisager tout ce qui se présente dans l’âme comme un effet de ses propres forces, qu’elle exercerait aussi à l’état de complet isolement ? Une âme et le substratum des phénomènes que nous appelons corps, substratum qui nous est tout à fait inconnu, sont à la