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PROGRÈS DE LA MÉTAPHYSIQUE


possibilité de la solution. Et, dût-on réussir, la difficulté se trouverait encore accrue par la condition prescrite de mettre sous les yeux les progrès de cette science, dans un discours de peu d’étendue. En effet, par son essence et par son but, la métaphysique est un tout complet ; on ne peut donc parler de rien partiellement, ou il faut parler de tout ce qui se rapporte à sa fin suprême. Il n’en est pas d’elle comme, par exemple, des mathématiques ou des sciences physiques qui progressent toujours sans s’arrêter. Essayons cependant.

La première et nécessaire question est bien : Ce qu’ont proprement de commun la raison et la métaphysique ? quelle fin la raison se propose dans son travail ? Car c’est la grande fin, peut-être la plus grande, la seule même que la raison puisse se proposer dans sa spéculation, parce que tous les hommes y prennent plus ou moins de part ; et l’on ne comprend pas pourquoi, malgré l’inutilité toujours visible de leurs efforts dans ce champ, il était néanmoins inutile de leur crier : Ne cesserez-vous pas enfin de rouler toujours cette pierre de Sisyphe, si l’intérêt qu’y prend la raison n’était pas le plus profond qui puisse être.

Cette fin, qui est l’objet de toute la métaphysique, est facile à découvrir, et peut à cet égard servir à en donner une définition : « La métaphysique est la science qui apprend à passer de la connaissance du sensible à celle du sursensible au moyen de la raison. »