madrigaux qu’écrivaient en son honneur des amis de tout
genre, entourée de l’adoration des habitués de Mlle de Verrières,
avec leur morale plus que légère du xviiie siècle,
Marie-Aurore sut « garder à ses plumes, blanches comme
de la neige, une pureté immaculée ». Plus tard, à l’âge de
trente ans, elle jugea raisonnable d’épouser un vieillard
fort riche et très aimable, M. Dupin de Francueil. Au bout
de dix années paisibles de mariage, cet époux idéal, selon
elle, mourut en lui laissant, avec un fils unique, une grosse
fortune. Malheureusement, cette fortune était grevée de
dettes, parce que Dupin avait vécu comme on vivait dans
le « bon vieux temps », préoccupé, avant tout de se rendre
à lui-même et à ses proches la vie agréable, sans aucun
souci de l’avenir. « Après nous le déluge. »
Nous trouvons dans l’Histoire de ma Vie un excellent portrait de cet élégant et aimable représentant de l’ancien régime et de son existence insouciante, consacrée aux lettres et aux arts et à toutes les jouissances d’une culture raffinée. Il dessinait, se livrait à des travaux manuels, jouait du violon, lisait beaucoup, se tenait au courant de la littérature contemporaine, connaissait tous les hommes éminents de son époque (il eut même, pendant quelque temps, Jean-Jacques Rousseau pour secrétaire). Morose, ou malade, ou désœuvré, il ne l’était jamais, considérant ces « trois choses » comme indignes d’un gentilhomme correct et sachant dissimuler ses souffrances jusqu’à sa dernière heure. Ce qu’il cherchait avant tout, c’était d’empêcher sa jeune femme de s’ennuyer auprès de lui. Il y réussit pleinement, elle ne rappela jamais plus tard qu’avec attendrissement le souvenir de son vieil époux. Mais lorsqu’elle s’avisa,
intéressants dans le charmant volume de M. Gaston Maugras, les Demoiselles de Verrières. Paris, Lévy, 1890, in-8°.