Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/130

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qui pleuraient du matin au soir, plongés dans un sombre désespoir. Mais la grand’mère, toute désolée qu’elle était, ne perdait pas de vue sa petite fille. Elle trouva avec raison, qu’il était malsain pour un enfant de vivre dans cette atmosphère de douleur et de larmes. — Elle donna ordre de faire venir du village la nièce de sa camériste Julie, la petite paysanne Ursule, pour servir de compagne de jeu à Aurore. Quelques jours plus tard, Ursule, installée à Nohant, devint bien vite l’amie de La petite Dupin et lui resta dévouée toute sa vie.

Aurore passait des journées entières dans le jardin et dans les champs en compagnie d’Ursule et d’Hippolyte. — Celui-ci était un petit garçon de neuf ans, robuste et pétulant, ayant toujours en tête les entreprises et les espiégleries les plus risquées. Ursule était une fillette délurée, loquace, d’un caractère très indépendant ; elle se posa tout de suite sur un pied d’égalité avec Aurore. Leur société fut très salutaire à cette dernière, et les premières années de sa vie à Nohant firent à sa santé un bien extraordinaire. Après toutes les impressions si peu enfantines des années précédentes, Aurore put se reposer dans cette calme existence villageoise, passant son temps au milieu de choses à son niveau, d’espiégleries et de jeux enfantins. Les Dupin passèrent deux ans à Nohant sans en sortir, et ces deux années s’écoulèrent heureusement et paisiblement pour la petite fille, surtout si l’on compare ce temps à l’avenir qui l’attendait.

Aurore avait à peu près cinq ans lorsque sa mère lui apprit à écrire. À peine l’enfant se fût-elle assimilé le procédé de la lecture et eût-elle lu toute seule son premier conte, qu’elle se passionna pour les livres et dévora tous ceux qu’on lui donnait : les contes de Perrault, Berquin, un