Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/132

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et finit par y ajouter une petite cascade artificielle, le tout en cachette d’Aurore qui ne vit la grotte que lorsqu’elle était déjà achevée. Le charme fut complet ! La grotte fut pour Aurore le comble du beau et du poétique. Sophie-Antoinette avait deviné la confuse aspiration à la beauté que recélait la jeune âme d’Aurore et cette soif qui se manifestait déjà chez la future artiste de créer par elle-même quelque chose de beau. Aurore était profondément convaincue que la beauté de la grotte ravissait tout le monde ; elle fut bien peinée lorsque sa grand’mère, invitée à venir l’admirer, ne laissa voir aucun ravissement. La grand’maman ne pouvait s’associer aux amusements puérils de Sophie avec les enfants. Mais La jeune femme, qui resta à moitié enfant toute sa vie, avait su pénétrer instinctivement le fin fond de l’âme d’Aurore. Sophie resta toujours en contact plus intime avec la fillette, que l’aïeule ; l’enfant comprenait sa mère et l’aimait passionnément. Jeune et sémillante, Sophie-Antoinette partageait les jeux des petits, bêchait leurs plates-bandes, leur construisait toutes sortes de choses, leur chantait des chansons, leur racontait des histoires, les embrassait avec ardeur ; mais, lorsqu’il lui arrivait de se mettre en colère, elle leur appliquait sans cérémonie et au hasard, des claques sur les joues ou sur les mains. Elle ne se souciait pas de se mettre martel en tête au sujet de l’éducation de sa fille, elle se bornait à faire ce que faisaient toutes les femmes de sa classe. Elle lui fit apprendre des fables par cœur, l’initia de bonne heure à la lecture, lui enseigna la couture et le crochet. Quant à lui donner une éducation dans le sens large du mot, il n’en était pas même question. Par le degré de son intelligence et par ce qui l’intéressait, Sophie était aussi près de l’enfance que le sont les bonnes, les femmes de chambre et les cuisi-