Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publiées. Telle fut l’empreinte que lui laissèrent sa race et ses impressions d’enfance.

Que peut-il y avoir d’autre part de plus charmant, de plus vrai, de plus artistique que la Marquise, cette fine perle parmi les Nouvelles de George Sand ? On trouverait difficilement, parmi les auteurs qui ont essayé de peindre le grand monde du xviiie siècle, un seul écrivain qui ait pu en incarner les côtés aimables ou artistiques avec la perfection que George Sand a su atteindre dans la Marquise. C’est qu’elle a passé la moitié de sa vie dans ce milieu et ne l’a pas connu seulement par ouï-dire. C’est bien aux observations qu’elle a faites sur le monde des vieilles comtesses qu’on doit des types comme ceux de la mère et de la grand’mère de Valentine, de la marquise de Villemer, du vieux chanoine, du prince mélomane et des divers courtisans dans Consuelo, des originaux comme Monsieur Antoine, l’oncle de Mauprat et Mauprat lui-même, des figures empreintes de la couleur du temps telles que le duc et la marquise de Puymonfort dans les Mississipiens, sans mentionner ici toute une série de figures et de personnages secondaires, mais d’un éclat souvent surprenant. Il est donc hors de doute que l’artiste en elle ne fit que gagner d’avoir eu à fréquenter ces types d’une époque disparue, et d’y apporter cette pointe de scepticisme, ce mépris que lui avait inspiré Sophie-Antoinette par ses sorties vulgaires et comiques contre des gens qu’elle détestait.

Un autre point venait encore se joindre à la différence de position sociale et d’habitudes pour amener la discorde entre la rue de la Grange-Batelière et celle des Mathurins. Dans la maison de Sophie, nous le savons déjà, on adorait Napoléon ; dans le salon de Marie-Aurore, on n’attendait tous les bienfaits que du retour des Bour-