Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/172

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mais le dieu ne continuait pas moins à consoler Aurore par ses prédictions d’un avenir meilleur. Tout cela la rendait encore plus renfermée, plus silencieuse en présence de sa grand’mère et de ses amis. Certains jours, on la voyait, au contraire, d’une gaieté folle, prenant part à toutes les espiègleries d’Ursule et d’Hippolyte.

En 1815, Sophie-Antoinette fit à Nohant un séjour assez prolongé, toutes les routes étant encombrées par les troupes en marche. Les alliés quittaient la France, l’armée impériale avait été licenciée, des régiments français ou étrangers passaient par Nohant, et, dans la maison même de Mme Dupin, plusieurs officiers firent halte ou séjournèrent même pendant un temps plus ou moins prolongé. Il semblait à Aurore qu’elle retrouvait le décor de ses premières années ; c’était la même atmosphère de militarisme napoléonien, héroïque et brillante, qui l’entourait, elle revoyait des amis de son père, entendait une fois encore leurs récits animés, leurs paroles ardentes ou émues, leurs diatribes contre le rétablissement de « l’ancien régime », représenté par Louis XVIII, leurs évocations du glorieux passé de la grande armée, les regrets amers de ces soldats qui soupiraient après lui, l’homme d’impérissable mémoire.

Tous ces brillants et vaillants soldats partis, Sophie-Antoinette quitta Nohant, ainsi que les amis de la grand’mère, « ces vieilles comtesses » qui étaient venues la voir. Un cousin de la petite Aurore, René de Villeneuve, qui avait passé l’automne à Nohant, s’en alla également au grand chagrin d’Aurore et à la grande joie d’Hippolyte, qui venait d’obtenir, grâce à lui, la permission d’entrer comme porte-enseigne dans un régiment de cavalerie.

À la fin de l’automne, Hippolyte partit à son tour. « Alors, dit George Sand, s’écoulèrent pour moi les deux