Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/201

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parler des représentations improvisées par Aurore Dupin et annonça qu’elle viendrait les voir un jour. Elle permit de prolonger la récréation du soir jusqu’à minuit. La troupe qui voulait faire parade de son savoir, s’adressa à Aurore, l’initiatrice ordinaire (les occupations littéraires sous La direction de son aïeule n’avaient pas été, on le voit, sans profit, et ses amies s’en apercevaient fort bien). Aurore fut priée d’imaginer quelque chose d’extraordinaire. Il y avait déjà eu des spectacles au couvent aux anniversaires ou à la fête de la supérieure et des spectacles mieux réglés que les scènes improvisées par Aurore ; mais ç’avait été le plus souvent des pièces insipides de Mme  de Genlis, récitées plutôt comme examens publics de déclamation que comme amusements. Cette fois, il leur fallait autre chose, et voilà que la petite romancière en herbe osa songer au Malade imaginaire. Elle n’avait pas les œuvres de Molière sous la main, car Molière était à l’index au couvent. Heureusement qu’ayant lu la pièce avec sa grand’mère, Aurore en savait plusieurs scènes par cœur. Par contre, les bonnes sœurs n’en savaient mot. Notre actrice pouvait donc, impunément, confiante en sa mémoire, risquer de mettre le Malade sur la scène, sans citer l’auteur et en excluant les passages passionnés, qui, elle le comprenait parfaitement, n’étaient pas de mise dans un cloître. Aussitôt pensé, aussitôt fait. Aurore se fit hardiment collaboratrice de Molière et composa un scénario, en se servant des fragments, qu’elle savait par cœur, y introduisant des dialogues de sa propre invention, abrégeant par-ci, amplifiant par-là, enfin y joignant, comme intermède, la scène connue de M. de Pourceaugnac. En un rien de temps la pièce fut apprise et répétée. Chaque actrice apporta de chez ses parents ce qu’elle pouvait en fait de costumes, d’acces-