Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/217

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nullement s’inquiéter de l’unité et de la clarté des doctrines ainsi simplifiées et sengouant tour à tour de différents auteurs dont elle devenait alors une fervente adepte, elle ne rendait justice que froidement et par acquis de conscience, aux autres non moins remarquables. « Il y a des natures qui ne s’emparent jamais de certaines autres natures, quelque supérieures qu’elles soient. Et cela ne tient pas, comme on pourrait se l’imaginer, à des antipathies de caractère, pas plus que l’influence entraînante de certains génies ne tient à des similitudes d’organisation chez ceux qui la subissent[1]. » Ainsi, selon elle, elle ne put jamais avoir de sympathie pour le caractère privé de Jean-Jacques ; néanmoins, à partir de cette époque, elle devint et resta toujours un de ses disciples les plus zélés. Le passage que nous venons de citer et qui caractérise avec beaucoup de justesse sa manière d’étudier et de s’approprier les auteurs qu’elle lisait alors, peut être appliqué à George Sand pendant tout le cours de sa vie, et ne doit pas être négligé par ceux qui se plaisent à critiquer la facilité avec laquelle, dans sa carrière littéraire, elle tomba sous l’influence de différentes personnalités. En réalité, elle ne se laissa influencer que par ceux qui vibraient d’accord avec sa nature, qui lui ressemblaient par leur tour d’esprit et la direction de leurs idées.

Quoi qu’il en soit, l’année 1821 fut une époque importante dans la vie d’Aurore Dupin. Après les rêveries demi-conscientes de son enfance, après les extases mystiques des deux dernières années, son âme s’était réveillée subitement à une vie intellectuelle et consciente, aux délices réfléchies de la poésie et de l’art.

  1. Histoire de ma Vie, vol. III, p. 314.