sans tuteur pour la protéger. Longtemps encore avant sa
dernière maladie, elle avait exprimé le désir formel que la
tutelle ne fût confiée en aucun cas à Sophie. Elle avait
toute raison, comme nous l’avons vu, de s’opposer à ce
choix qui paraissait cependant naturel. Elle voulut se
précautionner contre tout événement. Elle eut un entretien
avec Aurore. Elle lui mit sous les yeux combien ses intérêts,
ses habitudes, ses idées différaient des intérêts et des
idées de sa mère, et elle lui démontra qu’elles ne pourraient
jamais vivre ensemble. Elle fit venir à Nohant le plus
proche parent d’Aurore du côté paternel, le petit-fils de
son défunt mari, le comte René de Villeneuve[1], et, après
avoir causé avec lui, elle fit insérer dans son testament
une clause déclarant qu’après sa mort, ce serait lui, René
de Villeneuve, et sa femme, qui seraient chargés de la
tutelle de la jeune fille. Par ce testament, Mme Dupin laissait
à Aurore, son unique héritière en ligne directe, tous
ses biens, meubles et immeubles, qui comprenaient la terre
et le château de Nohant, une maison à Paris (portant le
nom de l’Hôtel de Narbonne et qui se trouvait dans la
rue de la Harpe, où passa plus tard le boulevard Saint-Germain),
et des valeurs d’État ; le tout formant un capital
total de 500.000 francs. Aurore devait là-dessus faire une
rente viagère à sa mère, à Deschartres et à quelques vieux
serviteurs.
Sophie apprit par un espion domestique l’article du testament qui lui enlevait la tutelle de sa fille ; elle n’ignorait jamais ce qui se passait chez sa belle-mère ; mais elle feignit de n’en rien savoir.
Lorsque, après les funérailles, on ouvrit le testament
- ↑ C’est le motif qui le fit venir à Nohant en été 1821. (Voir plus haut. p. 195-196.)