Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/26

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ses domaines, à l’exception de la terre seule, qu’il n’eut pas le temps de parcourir ; mais à peine de retour chez lui, réfléchissant au moyen de parfaire son projet, il entendit tout à coup un vacarme affreux s’élever à la porte de l’enfer. C’était une nouvelle bande de pécheurs qui faisait son apparition. — « D’où venez-vous donc ? » — « Nous arrivons tous de Paris. » Enchanté de l’occasion d’avoir des nouvelles, sinon de la terre entière, du moins d’un de ses recoins, Satan se mit à questionner les pécheurs pour savoir ce que c’était que Paris, et il fut tout étonné de l’étrange contradiction de leurs réponses : tandis que les uns affirmaient que c’était un lieu de délices, les autres n’articulaient que plaintes et n’avaient qu’à déblatérer contre Paris.

Bref, de tous les renseignements qu’il obtint, Satan ne put tirer qu’une seule conclusion, c’était que Paris était une ville fort intéressante. Mais, comment faire pour en avoir des données plus précises ? Rien de plus simple. Satan se décida immédiatement à y envoyer son secrétaire et aide de camp, le diablotin Flammèche en lui enjoignant de se procurer, aussi vite que possible, les renseignements les plus exacts et les plus détaillés. Flammèche, déguisé en flâneur, descendit sur les boulevards de Paris, mais à peine y eut-il mis les pieds, qu’il tomba amoureux. Il est évident qu’il n’était plus en état d’écrire rien de sérieux ; il était réduit aux billets doux ! Le diablotin était au désespoir. Que faire pour contenter son chef ? Une idée lumineuse lui vint à l’esprit : faire travailler les hommes à sa place ! Sans perdre de temps, il engagea les peintres, les écrivains, les penseurs et les poètes à lui fournir, chacun selon ses moyens, quelque composition ou dessin pour son Tiroir du diable. Manuscrits et dessins affluèrent bientôt