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la maison. D’abord elle ne s’en plaignit pas. Elle se promenait seule avec le petit Maurice dans le parc immense, lisait les Essais de Montaigne et s’amusait des jeux de son bébé. Le sentiment de la solitude croissait cependant dans l’âme de la jeune femme, et, avec lui, augmentaient l’impression encore inconsciente de l’offense, le chagrin et la soif du vrai bonheur. Le séjour à Ormesson lui pesa bientôt, grâce aux désagréments qu’elle eut avec le jardinier, à qui l’on avait confié la surveillance de la maison et du jardin ; c’était un homme bourru qui se chamaillait pour chaque brin d’herbe froissée ; et peut-être plus encore, grâce aux cris sauvages qui se faisaient entendre, la nuit, dans la maison du même jardinier, — probablement un ivrogne, — et qui effrayaient Aurore. Aussi, malgré tout son amour pour la solitude, éprouva-t-elle presque de la joie lorsque son mari se querella avec le jardinier et partit immédiatement pour Paris avec sa famille.

Les Dudevant s’établirent dans un petit logement meublé de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Ils virent beaucoup d’amis et de connaissances, allèrent aussi chez les parents de Casimir qui séjournaient à la même époque à Paris. Mais bientôt cette vie de distractions ne put faire qu’Aurore s’oubliât elle-même. Il y avait quelque chose de rompu dans leur existence.

« La tristesse revint, une tristesse sans but et sans nom, maladive peut-être. J’étais très fatiguée d’avoir nourri mon fils, je ne m’étais pas remise depuis ce temps-là. Je me reprochais cet abattement et je pensais que le refroidissement insensible de ma foi religieuse pouvait bien en être la cause[1]. » Aurore alla consulter son confesseur du couvent, l’abbé de

  1. Histoire de ma Vie, t. III, p. 448.