Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/318

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lui appartînt en propre, les occupations médicinales d’Aurore lui faisaient perdre le double et même le triple de temps que si elle eût pu disposer d’une petite somme pour sa bonne œuvre. Elle se vit forcée de se faire pharmacien, d’enduire ses emplâtres, de triturer et de cuire ses mixtures et ses sirops, et même de se faire le jardinier de sa pharmacie, en cultivant les plantes nécessaires à ses médicaments. Aurore se sentait parfois si fatiguée qu’elle se traînait à peine jusqu’à son lit. Elle ne s’en fût pas plainte non plus, si elle n’avait pas été travaillée par l’idée qu’avec un peu de ressources à elle, elle pourrait se rendre plus utile à ses malades, engager un médecin, donner à son traitement et à ses soins un caractère plus judicieux, et, par suite, obtenir de meilleurs résultats.

Son mari, à ce qu’elle dit, n’était cependant pas avare. « Il ne me refusait rien ; mais je n’avais pas de besoins, je ne désirais rien en dehors des dépenses courantes établies par lui dans la maison, et, contente de n’avoir plus aucune responsabilité, je lui laissais une autorité sans limites et sans contrôle. Il avait donc pris tout naturellement l’habitude de me regarder comme un enfant en tutelle et il n’avait pas sujet de s’irriter contre un enfant si tranquille[1]. » Sans être l’esclave de son mari, elle était ainsi « asservie à une situation donnée, dont il ne dépendait pas de son mari de l’affranchir ». Aurore reconnaissait de plus en plus qu’il lui fallait trouver une occupation qui lui permit de se créer des ressources.

Elle essaya de faire des traductions, mais elle s’aperçut

  1. Ce passage de l’Histoire de ma Vie se trouve être en certain désaccord avec ce que Aurore Dudevant dit dans la lettre à Accolas déjà citée : « Il n’avait pas l’habitude de me consulter, lorsqu’il voulait faire ses opérations. Il m’apportait une procuration à signer et trouvait très mauvais que je voulusse la lire. »