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répand sur vous ! Combien je me suis laissée dévorer par cette soif de l’irréalisable que n’ont pas encore daigné éteindre les saintes rosées du ciel !… » (15 juin 1833).

Et en 1847, elle ajoute : « Je ne suis rien de tout cela. Je suis le cyprès qui couvre leurs tombes. Toi, mon ami fidèle, rien n’a jamais été plus grand ni meilleur que toi, François Rollinat. »

Aussi Trenmor n’est en réalité que le porte-voix de l’auteur ; par la bouche de cet ex-forçat, il exprime des pensées si profondes, qu’elles ont ému et émeuvent encore les meilleurs esprits de notre temps. Tels sont par exemple, les discours sur l’erreur qu’il y a de vouloir punir un crime par le bagne, qui, au lieu de corriger, ne fait souvent que tuer définitivement le moral du criminel. Ce n’est plus alors la correction du coupable, mais la vengeance de la société. Trenmor lui-même pourtant a éprouvé l’influence bienfaitrice de la souffrance qui, selon lui, conduit à l’expiation. Tout ce qu’il dit à ce sujet, rappelle beaucoup ce que Dostoïewsky dit sur le châtiment de Roskolnikow. Non moins profondes sont les idées de Trenmor sur la prétention de vouloir châtier les crimes, tandis qu’au fond, la société devrait les prévenir, les déraciner dans leur germe ; elle devrait se réformer elle-même, prendre soin de l’éducation de ses enfants, améliorer la vie matérielle de ses pauvres, répandre les connaissances et la lumière, mépriser ceux de ses membres qui gaspillent leur temps et leur argent, — fruit du travail du peuple, — en des orgies effrénées qui dépravent et empoisonnent par leur exemple les jeunes gens inexpérimentés cherchant un but et un emploi de leurs forces.

La religion, la vie sociale, les lois de la morale, l’amour, le sort des femmes, le but de la vie humaine, la vanité et le