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Le roman eut auprès du public, surtout auprès de la jeunesse, le même succès et excita le même intérêt que chez les deux grands critiques de l’époque. L’impression qu’il produisit fut immense et l’influence qu’il exerça sur les esprits se fit remarquer non seulement en France, mais dans toute l’Europe. Lélia enfanta toute une littérature, créa un genre. En France et en Allemagne apparurent bientôt les dizaines de petites Lélias[1]. Des écrivains, absolument en dehors de la littérature d’imagination, citaient Lélia comme une autorité[2] et même des critiques défavora-

    « Tout récemment, dans les feuilles d’un roman non encore publié qu’une bienveillance précieuse m’antorisait à parcourir, dans les feuilles de Lélia, nom idéal qui sera bientôt un type célèbre (sic) il m’est arrivé de lire cette phrase qui m’a fait tressaillir de joie : « Sténio, Sténio, prends ta harpe et chante-moi les vers de Faust, ou bien ouvre tes lèvres et rends-moi les souffrances d’Obermann, les transports de Saint-Preux. Voyons, poète, si tu comprends encore la douleur, voyons, jeune homme, si tu crois à l’amour !… » Eh quoi ! me suis-je dit, Obermann a passé familièrement ici : il y a passé aussi familièrement que Saint-Preux, il a touché la main de Lélia !… » (L’article de Sainte-Beuve sur Lélia a paru le 29 sept 1833.)
    Planche, qui écrivit des articles presque enthousiastes sur Indiana et Valentine, aussitôt après leur publication, disait, qu’au point de vue de la poésie, il préfère Indiana et Valentine, à Corinne et Delphine, « car les deux romans de Mme  de Staël ressemblent trop souvent à l’enseignement universitaire ou à l’improvisation d’un salon de beaux esprits. » — À propos de Lélia il dit : « Lélia n’est pas le récit ingénieux d’une aventure ou le développement dramatique d’une passion, c’est la pensée du siècle sur lui-même, c’est la plainte d’une société en agonie, qui après avoir nié Dieu et la vérité, après avoir déserté les églises et les écoles, s’en prend à son cœur et lui dit que ses rêves sont des folies »… Pour cette raison, Planche trouve qu’il ne convient pas d’examiner les personnages de ce roman sous le point de vue généralement reçu, ni de les analyser comme des individualités réelles, mais qu’il faut examiner si les idées philosophiques qu’ils symbolisent sont soutenues dans chacun d’eux et s’ils forment un ensemble harmonieux.

  1. Telles sont les héroïnes des romane de la Comtesse Hahn-Hahn, telle Marie, l’héroïne du premier roman de Max Waldau : « Nach der Natur » et surtout « Wally die Zweiflerin » (l’Incrédule) de Gutzkow qui paraît avoir, par ce titre même, voulu définir la parenté de Wally avec Lélia. Nous ne faisons pas ici de cours de littérature générale, donc nous ne faisons qu’indiquer ces ressemblances.
  2. C’est ainsi qu’un certain abbé de la Treyche, « un romantique