Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/48

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monsieur, que tout le monde a rencontré un peu partout, portrait fait au moment où ce personnage ne s’était pas encore transformé en conservateur enragé, de quasi libre-penseur qu’il était autrefois :

     «… Et c’était un enragé libéral,
     Et toutes les faiblesses des hommes
     Il les châtiait énergiquement,
     Bien qu’il n’eût pas écrit un seul article…
     Et pour George Sand et pour Leroux
     Il nourrissait une grande passion :
     Il faisait de la morale aux maris,
     S’efforçait d’instruire les femmes… » etc. etc.

Mais si les messieurs de ce genre-là affectaient, « par mode », cette passion, la meilleure partie de notre société, la classe intellectuelle dans le sens le plus élevé du mot, la pléïade de nos grands écrivains de l’époque en tête, était réellement pénétrée par les œuvres de George Sand et les vivait. Ses ouvrages les aidaient à s’éclairer sur les questions les plus sérieuses de notre siècle, découvrant aux uns des voies nouvelles, soutenant les autres dans des voies déjà choisies, permettant à d’autres encore de se pendre compte de leur vocation ; bref, elle fut presque pour tous l’étoile du matin, guidant ses contemporains, à travers les ténèbres oppressives de l’époque[1] — vers la lumière et le soleil, à travers l’esclavage — vers la liberté, à travers les mesquines préoccupations personnelles, — vers les vastes intérêts sociaux. Aussi, faut-il voir la reconnaissance enthousiaste avec laquelle chacun des lecteurs de cette

  1. Les années dites « quarante » (entre 1840 et jusqu’à la mort de Nicolas Ier) peuvent, sous plusieurs points de vue, être comparées à la Restauration en France : la même réaction et le même obscurantisme dans les sphères gouvernementales, la même effervescence des idées chez les penseurs et les écrivains.