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miner si en réalité aux diverses époques de sa vie elle était seulement l’écho d’autres voix, et si elle ne fut pas le chantre indépendant de la liberté de notre siècle.

D’après l’opinion communément reçue, George Sand traduisit les nouvelles doctrines de Leroux et d’autres, ainsi qu’Aaron répéta les enseignements du bègue Moïse. Elle n’aurait été que le porte-voix renforçant les appels à un idéal nouveau, parce qu’ils manquaient de sonorité ou d’éloquence. Mais pouvons-nous nous représenter un esprit intelligent et délicat ne résonnant pas au contact de la vie spirituelle de la société qui l’entoure, ne répondant pas à l’appel d’autres grandes âmes ? Un esprit qui, sous l’influence du choc des natures originales et bien caractérisées, et sous l’impulsion d’apôtres réformateurs et créateurs de nouvelles théories, d’idées hardies dans les sphères morales, scientifiques et artistiques, — ne soit évoqué à la vie par les forces sommeillant au fond de son âme et encore privées de lumière ?

Nous ne connaissons aucun grand écrivain, compositeur ou peintre qui n’ait été dans sa jeunesse sous l’influence d’un célèbre prédécesseur. Il suffit de se rappeler Le Pérugin et Raphaël, Mozart et Bethoven, Gœthe et Byron, ou bien tous ceux qui, à leur tour, se sont trouvés émules

    aiment le bien en tout… Sa vie, passée malgré les apparences dans une paix profonde, a été tout entière une recherche ardente des formes sous lesquelles il nous est permis d’admirer l’infini… Mme Sand traversa tous les rêves, elle sourit à tous, crut un moment à tous ; son jugement pratique put parfois s’égarer, mais comme artiste elle ne s’est jamais trompée. Ses œuvres sont vraiment l’écho de notre siècle. On l’aimera… quand il ne sera plus, ce pauvre xixe siècle que nous calomnions, mais à qui il sera un jour beaucoup pardonné. George Sand alors ressuscitera et deviendra notre interprète. Le siècle n’a pas ressenti une blessure dont son cœur n’ait saigné, pas une maladie qui ne lui ait arraché des plaintes harmonieuses. Ses livres ont les promesses de l’immortalité, parce qu’ils seront à jamais le témoin de ce que nous avons désiré, pensé, senti, souffert… »