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de Sainte-Beuve, cet homme d’un calme tout hellénique, nous apercevons pour quelque temps dans le rôle de maître et de directeur de George Sand l’étrange figure de ce démagogue typique de 1830.

Rappelons en quelques mots sa biographie. Michel de Bourges, fils d’un républicain tué en 1799, par les adversaires de la Révolution, naquit à Aix en 1798. Il suça presque avec le lait de sa mère ses convictions républicaines et il grandit dans cette atmosphère d’opinions extrêmes. Il fit d’abord ses études à Aix, ensuite son droit à Paris. Devenu avocat, il se distingua par toute une série de brillantes plaidoiries dans des procès politiques, pendant les années 1825-1839, enfin, il fut aussi l’un des défenseurs des accusés dans le procès monstre de 1835, lorsque le parti républicain profita des discours de ses meneurs, non pas tant pour justifier les inculpés dans les troubles de Lyon, que pour prononcer toute une suite de professions de foi et de philippiques contre l’ordre existant. Nous ne raconterons pas l’histoire de ce procès, car tout lecteur est à même de relire les brillantes pages de Louis Blanc se rapportant à cet épisode[1]. Michel, dans cette affaire, fut un des personnages les plus en vue. Une incroyable force d’âme dans un corps chétif et malingre ; un esprit tranchant et droit ; une vanité qui allait jusqu’à le rendre jaloux de son confrère Trélat, condamné à trois ans de prison pour sa célèbre Lettre aux accusés, tandis que lui, Michel, ne l’était qu’à un mois d’emprisonnement (quoiqu’il attribue cette jalousie à des motifs plus élevés) ; une ambition qui le fit plus tard poursuivre la célébrité et presque renier ses convictions de jeunesse ; enfin un talent oratoire hors ligne,

  1. Louis Blanc, Histoire des dix ans (1841-1844, 3 vol. in-8o.)