Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’adresse de la république : « … Si tu descends sur nous avant l’accomplissement des temps prévus, tu me trouveras prêt à te recevoir, et tout vêtu déjà conformément à tes lois somptuaires. Mes amis, mes maîtres, mes frères, salut ! mon sang et mon pain vous appartiennent désormais, en attendant que la république les réclame. »

Plus loin, elle exprime pourtant l’espoir, qu’en attendant il lui sera permis de faire un voyage dans les montagnes de la Suisse qui l’attirent et ne dit adieu pour toujours qu’à l’amour, « idole de sa jeunesse ». On pourrait croire que Michel avait définitivement dompté l’écolier rebelle et l’avait enrôlé à jamais dans le régiment de ses adeptes ; cependant, dans les lettres suivantes, il se fait encore entendre des protestations et des doutes. Tantôt le « Voyageur », à propos de ses amis que Michel semble traiter du haut de sa grandeur, lui rappelle tout ce qu’ils ont fait pour lui dans ses jours de malheur, et ajoute avec une ironie à peine voilée : « Ils sont plus gais que toi ; ils n’ont pas étendu sur leurs os le silice de la vertu… » Tantôt la promesse enthousiaste de se vouer tout entière au service des idées de Michel est accompagnée de restrictions ; elle exprime alors son doute sur la possibilité du règne de Dieu sur la terre : « … Tu sais ce que je t’ai dit, j’ai trop vécu, je n’ai rien fait de bon. Quelqu’un veut-il de ma vie présente et future ? Pourvu qu’on la mette au service d’une idée et non d’une passion, au service d’une vérité et non à celui d’un homme, je consens à recevoir des lois. Mais hélas ! je vous en avertis, je ne suis propre qu’à exécuter bravement et fidèlement un ordre. Je puis agir et non délibérer, car je ne sais rien et ne suis sûr de rien. Je ne puis obéir qu’en fermant les yeux et en me bouchant les oreilles, afin de ne rien voir et de ne rien entendre qui me dissuade ; je