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respondance de George Sand et les lettres inédites de Liszt on voit qu’ils se sont compris dès les premiers temps comme « âmes de même calibre », résonnant à l’unisson. Liszt a dû insensiblement inspirer à George Sand ce qui lui manquait à cette époque, — la conviction de la sainteté de la vocation artistique, de la nécessité de traiter l’art sérieusement et de tout cœur comme une chose divine, du grand rôle de l’art et des artistes dans le présent et l’avenir de l’humanité. Les conversations et les idées de Liszt se reflètent d’une part dans le passage de la Lettre à Everard où George Sand défend l’art et les artistes contre les exigences barbarement utilitaires du démagogue, et d’autre part dans la septième des Lettres d’un voyageur (à Liszt) et dans la onzième à Meyerbeer, qui sont l’une et l’autre l’écho des idées de Liszt ; enfin, on en retrouve la trace dans une série de romans ultérieurs où apparaissent des artistes, ce sont : La dernière Aldini, Consuelo, la Comtesse de Rudolstadt, Carl, Lucrezia Floriani, le Château des Désertes, le Château de Pictordu, etc., etc. Au lieu de continuer à proclamer le droit des artistes à une plus grande liberté que les simples mortels, on voit surgir dans ces romans la notion de la source divine de tout talent, l’obligation pour tout artiste d’être un homme supérieur aussi dans la vie privée, celle du devoir de se rendre utile aux hommes et du rôle sacerdotal des artistes dans l’état de l’avenir : Génie oblige. C’étaient les idées et les convictions de Liszt. On est donc très désagréablement surpris, en lisant l’Histoire de ma Vie, de voir que George Sand, sous l’influence de sa rupture avec Mme d’Agoult, n’ait pas trouvé impossible de passer sous silence ce côté de ses relations avec le grand compositeur qui joua un rôle important