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meure, qui devait bientôt lui revenir, et, ayant remarqué que Casimir était tant soit peu triste à l’idée de devoir quitter Nohant, elle le pria, malgré le traité, d’y revenir chaque fois qu’il le désirerait. À son grand étonnement il lui fut répondu par de nouvelles brutalités, par la défense réitérée aux domestiques d’obéir à « madame », en un mot son mari donna de nouvelles preuves qu’on ne pouvait se fier à sa parole. Enfin, le 19 octobre 1835, survint à Nohant la scène la plus affreuse que l’on puisse imaginer. Cela se passa, comme en 1824, pendant qu’on prenait le café après le dîner. La crème vint à manquer, et le père ordonna à Maurice d’aller en chercher. Le petit garçon ne partit pas aussitôt et s’assit à côté de sa mère. Celle-ci lui dit : « Est-ce que tu n’as pas entendu ce que ton père t’a ordonné de faire ? » Ces paroles exaspérèrent Dudevant, on ne sait trop pourquoi ; il se mit à vociférer à propos de la mauvaise éducation que recevaient ses enfants. Ne voulant pas que Maurice fût témoin de cette querelle, Aurore ordonna à son fils d’aller dans sa chambre. Mais Dudevant encore plus irrité cria : « Sors toi-même, » et il se jeta sur sa femme avec l’intention de la battre. Les convives s’interposèrent et l’un d’eux couvrit Aurore de son corps, tandis qu’un autre saisissait Dudevant par les épaules ; mais celui-ci se dégagea, passant sous le bras de l’ami qui protégeait Aurore et saisit violemment la main de sa femme. On parvint néanmoins à l’entraîner. Alors, exaspéré et furieux, il s’écria qu’il tuerait sa femme et il se précipita dans l’antichambre pour prendre un fusil. Duteil[1], qui au commencement de

  1. Alexis Pouradier Duteil ou Dutheil, grand ami de Casimir Dudevant et de sa femme, fut d’abord avocat à la Châtre, ensuite procureur à Bourges et enfin président de la cour d’appel de cette dernière ville. Aurore était, comme nous le savons, aussi très liée avec sa femme, Mme Agasta, née Mollier.