Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’aristocratiques et vertueuses, et ceux de ses biographes sont parfaitement dans le vrai, qui font remarquer que, dès ses jeunes années, Alfred de Musset, hélas ! ne connaissait que trop bien tous les mystères de Paris et les bas-fonds de la ville, et les savait mieux qu’on ne les connaît souvent dans un âge plus mûr.

Quel lecteur des Ballades andalouses, des Marrons du feu, de la Coupe et les Lèvres n’a pas été frappé de voir chez leur tout jeune auteur, à côté d’éclatantes images poétiques, d’une rare observation et d’une précoce pénétration, un profond désenchantement et une connaissance si prématurée de la vie, avec tous ses côtés sombres et tous ses vices. Le frère-biographe essaye inutilement de convaincre son lecteur que ce n’est là que « pose », fiction, que tout cela, comme on le dit, a été écrit « de tête », que l’auteur, à cet âge, était un petit jeune homme vertueux, innocent, vivant sous l’aile de sa maman, ne s’éloignant jamais d’elle sans son consentement, et, n’ayant dans la tête, autre chose

    de se brûler la cervelle le jour où il aurait perdu où dépensé son dernier louis et que, ce moment venu, il s’était tenu parole avec un sang-froid et un courage dignes d’une action meilleure. Ce lugubre épisode ne fut pas étranger à la conception de Rolla. Pour se mouvoir à l’aise sur un terrain si dangereux, il ne suffisait pas d’un habit à la mode, il fallait encore que la poche fut bien garnie, et quand ce lest indispensable lui manquait, le jeune dandy avait par bonheur, assez de raison pour retourner au travail ». (Notice biographique sur A. de Musset par Paul de Musset.) Aux pages 216, 217, 218, 219, 221, 239 de la Biographie, nous trouvons pourtant des indications un peu différentes, montrant qu’Alfred de Musset ne s’inquiétait pas beaucoup de ses dettes, ni de leur payement et que même l’argent qu’il prenait en avance chez son éditeur ne pouvait pas le faire travailler. D’un autre côté Mme de Janzé raconte dans son petit ouvrage Études et récits sur Alfred de Musset, que quand Alfred était à court d’argent, il déjeunait ou dînait dans quelque méchant petit restaurant et qu’ensuite, son cure-dents à la bouche, il allait sur le boulevard de Gand, avec la figure d’un homme sortant d’un dîner fastueux. Ce trait curieux caractérise parfaitement le cercle que fréquentait Musset, ainsi que ses prétentions à lui.