Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/406

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et lamentables ; ses défaillances se perpétuent avec une intolérable monotonie ; sa veine noire court à travers chaque cœur et son dard brûlant contagie chaque âme de quelque incurable blessure, son étendard funéraire flotte sur tous les temps et tous les lieux… Sur ce seuil tranchant que tout événement sanglant bâtit entre le passé et l’avenir, les souffrances, les angoisses, les regrets, les funérailles se ressemblent partout et toujours. Partout et toujours on entend sous les fanfares de la victoire, un sourd accompagnement de râles et de gémissements, d’oraisons et de blasphèmes, de soupirs et d’adieux, et l’on pourrait croire que l’homme ne revêt de manteau de triomphe, et des habits de fête, que pour cacher un deuil qu’il ne saurait dépouiller, comme s’il était un invisible épidémie… »

Il est de toute évidence que cet hymne grandiose de la Douleur est une paraphrase de l’entretien d’Hélène avec l’esprit de la lyre[1].

D’un autre côté, la onzième Lettre d’un voyageur (à Meyerbeer) pourrait être facilement prise pour un article de Liszt lui-même, tant ce sont ses idées à lui, sa manière de voir, son ton, son style. Dans ce compte rendu enthousiaste des opéras de Meyerbeer, George Sand salue chaleureusement les voies nouvelles dans lesquelles est entré le jeune compositeur et les buts nouveaux vers lesquels l’artiste semblait vouloir marcher. — (Ainsi, par exemple, dans les Huguenots, il a tenté de peindre les sentiments collectifs des masses, la lutte de deux principes religieux et la personnification de la fermeté démocratique et du courage protestant en la personne de Marcel.) La onzième Lettre d’un voyageur, dans son ensemble comme dans ses détails,

  1. Voir les Sept corps de la Lyre, p. 128-133