Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/421

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de son monde, et pourtant elle a une peur pusillanime de rester vieille fille…

Son ami et correspondant, par la bouche duquel l’auteur émet ses idées et dans lequel beaucoup de personnes ont voulu voir la personnification des théories et des conseils donnés à George Sand par Lamennais, cet ami commence par conseiller à Marcie de ne pas donner tant d’importance à toutes les douleurs humaines, à toutes les désillusions personnelles.

« Ne sommes-nous pas insensés dans nos mécontentements, et n’est-ce pas une chose digne de pitié que de voir de si chétifs atomes avoir besoin de tant d’espace et de bruit pour y promener une misère si obscure et si commune ?… Nous ne sommes qu’enflure et vanité ; nos plaintes ne sont qu’emphase ou blasphème !… »

Le pessimisme et même les déceptions bien fondées, selon l’ami de Marcie, n’engendrent que l’orgueil, font naître le sentiment d’une supériorité imaginaire, la sécheresse et la froideur.

Ensuite, cet ami tâche de vaincre chez Marcie la crainte de rester vieille fille. Il lui prouve ab adverso l’inanité de cette crainte, en lui racontant deux histoires qu’il eut l’occasion de connaître. D’abord il lui raconte celle d’une malheureuse jeune fille de seize ans, héritière riche, mais malingre et contrefaite, qui, de peur de rester vieille fille, s’était laissé marier à un homme qui ne cherchait et ne pouvait chercher en elle que la richesse. Cette jeune fille paya cette malheureuse pusillanimité par une vie d’humiliation ; méprisée et abreuvée de dégoûts par son mari, meurtrie dans ses aspirations vers le bonheur terrestre, minée par un désespoir caché au milieu d’une opulence extérieure, elle mourut dans la