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de l’argent pour payer les frais d’une maladie qui sera sérieuse et pour retourner en France. Comme au bout du compte, c’est un assez bon diable et qu’il a de l’attachement pour Alfred, je crois qu’il comprendra ce que notre position a de triste et qu’il n’hésitera plus… Voyez-le à cet égard… » Ensuite, après les explications que nous avons déjà données relativement aux pourparlers à engager avec Dupuy, aux comptes à régler avec Buloz et à tous ses intérêts matériels, elle ajoute :

« Adieu, mon ami, je vous écrirai dans quelques jours, je suis rongée d’inquiétudes, accablée de fatigue, malade et au désespoir. Embrassez mon fils pour moi. Mes pauvres enfants, vous reverrai-je jamais ? Gardez un silence absolu sur la maladie d’Alfred à cause de sa mère qui l’apprendrait infailliblement et en mourrait de chagrin. Recommandez à Buloz de n’en pas parler et à Dupuy aussi. »

Le 8 février, elle écrit :

« Mon enfant, je suis toujours bien à plaindre. Il est réellement en danger et les médecins me disent : poco a sperare, poco a disperare, c’est-à-dire que la maladie suit son cours sans trop de mauvais symptômes alarmants. Les nerfs du cerveau sont tellement entrepris, que le délire est affreux et continuel. Aujourd’hui, cependant, il y a un mieux extraordinaire. La raison est pleinement revenue et le calme est parfait. Mais la nuit dernière a été horrible. Six heures d’une frénésie telle que malgré deux hommes robustes, il courait nu dans la chambre. Des cris, des chants, des hurlements, des convulsions, ô mon Dieu, mon Dieu, quel spectacle ! Il a failli m’étrangler en m’embrassant. Les deux hommes ne pouvaient lui faire lâcher le collet de ma robe. Les médecins annoncent un accès du