Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

même ; elle a pour base l’amour actif du prochain, l’égalité, la fraternité de tous les hommes, la liberté, — morale et matérielle.

Le moine Alexis a vainement tenté toute sa vie de concilier la contradiction entre ses propres croyances et les dogmes religieux précis ; il a ardemment cherché la doctrine générale qui résoudra ses doutes philosophiques et religieux, mais il n’osa dévoiler à personne le secret confié par Spiridion. Il se console à sa dernière heure en pensant que son jeune ami, Angel, continuera l’œuvre de sa vie, la recherche de la vérité. Son bonheur est comblé lorsqu’il trouve la solution de tous ses doutes dans les trois manuscrits qu’Angel découvre dans le tombeau de Spiridion : 1° l’Évangile de Saint Jean écrit de la propre main de son célèbre adepte du treizième siècle, Joachim de Flore, et minutieusement enluminé aux endroits les plus importants ; 2° une rarissime copie de la Préface de l’Évangile éternel, brûlée comme une œuvre hérétique et dont l’auteur fut le disciple de Joachim, Jean de Parme, qui prêchait l’échéance des temps de l’Ancien et du Nouveau Testament et l’avènement de la troisième époque, — celle du Saint-Esprit ; 3° un manuscrit de Spiridion lui-même, qui est le commentaire des deux précédents, l’exposition de sa propre doctrine sur le progrès continu des croyances humaines, une exhortation prophétique et pacifiante adressée aux continuateurs de ses recherches de supporter leurs connaissances incomplètes, leurs doutes torturants, et de marcher en avant, sans trêve ni repos. « Car, dit-il, nous tous, nous servons la Providence dans ses fins, chaque recherche sincère de la vérité est fertile pour l’humanité, elle la fait avancer, et pas un grain de vérité acquis ne se perdra, mais renaîtra tôt ou tard, il croîtra et se multipliera. Le progrès toutefois ne se produit que lentement. »

L’auteur de Spiridion croyait alors que non seulement le progrès s’obtient lentement, mais que chaque pas fait en avant s’achète chèrement, parfois au prix d’horribles cataclysmes sociaux, des jours du zèle et de la fureur. Il pensait que ceux qui ont laissé dans l’histoire les plus horribles souvenirs, les Jean Ziska, les Procope et les Robespierre deviennent les protago-