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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/393

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n’y a plus sur les bancs un seul professeur, ni un seul écolier qui croient à la perfection de la république de Lycurgue…

George Sand nous peint ensuite sous des couleurs étincelantes l’avènement du jour où l’humanité arrivera à la notion du vrai progrès et où les hommes des deux catégories se fondront en un seul type de grandeur ; il n’y aura plus alors ni de ces vaniteux corrompus qui perdent la foi en poursuivant la gloire et le pouvoir, ni de ces sombres et maladifs rêveurs désespérés, aigris par la souffrance, s’égarant parfois jusqu’à la misanthropie ou la folie, dont Rousseau est le triste exemple.

Le petit article, écrit soit pour obliger les personnes qui avaient amené à Paris une tribu d’Indiens de l’Amérique du Nord, exposée dans la salle Valentino, soit pour exprimer simplement les impressions ressenties par l’auteur lors de ses visites à ces Peaux-Rouges et les réflexions qu’elles lui suggérèrent, fut intitulé par George Sand : Une visite chez les sauvages de Paris, un voyage à travers quarante-huit tribus indiennes[1]. Mais on aurait pu l’intituler : « Réflexions sur les plaies et les maux sociaux européens à propos de l’arrivée à Paris d’un chef indien avec son clan », parce que George Sand s’y occupe moins du chef des Joways, Miou-hu-shi-Kaou ou Nuage Blanc et de sa famille, que de dénigrer la civilisation européenne tant prônée ; elle la compare à l’existence prétendue sauvage, mais au fond indépendante, heureuse et libre des enfants des Prairies.

… Nous quittâmes ces beaux Indiens — c’est ainsi que l’auteur termine son article — tout émus et attristés, car en reprenant le voyage de la vie à travers la civilisation moderne, nous vîmes dans la rue des misérables qui n’avaient plus la force de vivre, des élégants avec des habits d’une hideuse laideur, des figures maniérées, grimaçantes, les unes hébétées par l’amour d’elle-même, les autres ravagées par l’horreur de la destinée. Nous rentrâmes dans nos appartements si bons et si chauds où nous attendaient la goutte, les rhumatismes et toutes ces infirmités de la vieillesse, que le sauvage nu brave et ignore sous sa tente si mal close ; et ce mot naïvement profond que m’avait dit

  1. Le sous-titre en est encore Lettre à un ami, et c’est encore à Jules Néraud qu’elle est adressée.