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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/569

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délicieux » des airs de danse lorsqu’il y avait dans la pièce un pas ou un ensemble dansé à exécuter.

La première lettre porte, écrite au crayon, la date : « 25… 1846 ». C’est mercredi 25 novembre 1846 qu’il faut lire, le 25 novembre tombant cette année un mercredi.


Mercredi, 3 heures.

Je compte que votre migraine est passée et que vous voilà mieux •disposée que jamais. Je suis bien aise du retour de tout votre monde et je vous souhaite du beau temps. Il fait ici noir et humide, on ne peut vivre qu’enrhumé. Grzym. est mieux. Il a dormi hier une petite heure pour la première fois depuis dix-sept jours[1]. J’ai vu Delacroix, qui vous dit mille tendresses à tous. Il souffre, mais va cependant à son travail au Luxembourg. Je suis allé hier soir chez Mme Marliani. Elle sortait avec Mme Scheppard[2], M. Aubertin (qui a eu l’audace de lire votre Mare au diable en plein collège comme exemple du style) et M. d’Arpentigny. Ils allaient entendre un nouveau prophète que le capitaine protège. Je ne sais pas le nom du prophète (ce n’est pas un apôtre). Sa nouvelle religion est celle des Fusionistes, le prophète en a eu la révélation au bois de Meudon où il a vu Dieu. Il promet pour comble de bonheur, dans une certaine éternité, qu’il n’y aura plus de sexe. Cette idée ne plaît pas beaucoup à Mme de M[arliani], mais le capitaine est pour et déclare la baronne en ribote chaque fois qu’elle se moque de son fusionisme. Je vous enverrai demain la fourrure et vos autres commissions. Le prix de votre pianino est de neuf cents francs. Je n’ai pas vu Arago, mais il doit se porter bien, car il était sorti, quand Pierre lui a porté votre billet. Remerciez, je vous prie, Marquis de ses flairaisons à ma porte. Soyez heureuse et bien portante. Écrivez quand vous aurez besoin de quelque chose.

Votre dévoué. Ch…

À vos chers enfants.

Je reçois votre lettre, qui est en retard de six heures. Elle est bonne, bonne et parfaite ! Ainsi je n’enverrai pas demain vos commissions.

  1. Grzymala avait été effectivement très malade en l’hiver de 1846-47. Dans la lettre de Chopin à ses parents d’avril 1847, que nous donnons plus loin, nous lisons que « la garde-malade de Grzymala, quand il était indisposé, disait : la cerise de Monsieur » pour dire « crise ». Par les lettres de Chopin de janvier 1847, nous verrons qu’alors Grzymala était déjà en convalescence.
  2. Une amie de Mmes Sand et Viardot, la femme du journaliste américain. (V. plus loin, chap. ix.)