J’ai reçu hier votre bonne lettre de jeudi. Vous faites donc aussi de la Porte-Saint-Martin ? La Caverne du crime[2] ! mais c’est intéressant au possible. Vos Funambules, devenus les Français ou même l’Opéra avec Don Juan, deviennent maintenant tout ce qu’il y a de plus romantique. Je me figure les émotions de Marquis et de Dib. Heureux spectateurs, naïfs et peu instruits ! Je suis sûr que les portraits qui sont au salon vous regardent aussi avec les yeux de circonstance. Amusez-vous aussi bien que possible. Ici il n’y a, comme je vous ai écrit la fois passée, que maladie sur maladie. Portez-vous tous bien, soyez heureux.
À vos chers enfants.
Je vais comme je peux.
Chopin fait allusion, dans cette lettre, à Don Juan. Les acteurs de Nohant composèrent leur pièce en partie d’après Molière et en partie d’après Mozart, c’est-à-dire qu’ils introduisirent dans le scénario de Molière des scènes tirées du livret de Da Ponte et exécutèrent même quelques morceaux de l’opéra de Mozart. (Il paraît que ce fut Augustin e qui les chanta.) Tout cela est compté au long dans le roman de George Sand, le Château des Désertes ; l’auteur nous dit carrément dans la préface, que nous avons citée en partie, que c’est bien la vieille maison de Nohant qu’il faut sous-entendre par le mystérieux Château où une compagnie de jeunes gens plus ou moins artistes, allègres dilettanti dramatiques, s’évertuent à mettre en scène un Don Juan de leur composition.
Dans la même préface George Sand signale à l’attention du
- ↑ On a mis au crayon en haut de cette lettre « 14 janvier 1847 ». Toutefois, cela ne peut être ainsi, parce qu’en 1847 le dimanche tombait le 17 janvier et le 14 février, mais à cette dernière date, Mme Sand n’était plus à Nohant, mais bien à Paris. C’est donc dimanche 17 janvier qu’il faut lire.
- ↑ Chopin intitule la pièce d’après son premier titre la Caverne du crime. Elle s’appela plus tard la Taverne du crime et même l’Auberge du crime, comme nous le verrons à l’instant.