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de peindre la plus naïve fille des champs, illettrée et simplette[1]. Mais à son tour, ce roman fut le précurseur de tous les autres romans champêtres de George Sand. C’est de la même racine que surgit aussi toute une série d’études ethnographiques et d’esquisses locales nous peignant les usages, les coutumes, les croyances et la vie des paysans berrichons. George Sand écrivit un grand nombre de ces études en même temps que ses œuvres plus considérables. Tels sont : Mouny Robin, la Noce de campagne (épilogue de la Mare au Diable), les Visions de la nuit à la campagne (une série d’études servant de texte aux dessins fantastiques de Maurice Sand), le Père Va-tout-seul, la Vallée noire, la Berthenoux, le Cercle hippique de Mézières-en-Brenne, les Tapisseries du Château de Boussac, les Bords de la Creuse et plus tard, Pierre Bonnin (dédié à Tourguéniew après la lecture des ses Récits d’un chasseur), sans parler des innombrables paysans disséminés dans tous les romans et nouvelles de George Sand, avant et après les romans paysans dans le sens exact du mot.

L’auteur lui-même, dans la préface de Jeanne, dit en toute justesse :

Jeanne est une première tentative qui m’a conduit à faire plus tard la Mare au Diable, le Champi et la Petite Fadette

Il juge cette tentative manquée, parce qu’il a fait mouvoir l’héroïne dans un cadre qui lui était impropre ; ce qui a été évité dans les romans champêtres ultérieurs, dit-il. L’auteur nous semble injuste envers lui-même en déclarant le roman « mal réussi » et en taxant son héroïne de peu naturelle, par la seule raison qu’elle se meut au milieu de gens appartenant à une autre classe. Dans ce roman, tout comme dans la vie réelle, des gentilshommes, des petits bourgeois, des paysans et des

  1. Notre grand écrivain D.-V. Grigorowitch nous a dit un jour qu’il considérait Jeanne comme un vrai chef-d’œuvre, un vrai tour de force artistique, parce que Mme Sand sut dans la personne de l’héroïne donner l’explication d’un grand type historique et la psychologie de la plus naïve sauvageonne campagnarde.