Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/133

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le confesse, de cette énormité. Je suis sincère en te disant que je n’ai jamais donné dans le 15 mai. L’Assemblée n’avait pas mérité d’être traitée si brutalement. Le peuple n’avait pas droit ce jour-là. Il ne s’agissait pas pour lui de sauver la République par ces moyens extrêmes qu’il n’a mission d’employer que dans les cas désespérés. D’ailleurs, il n’était pas là, le peuple, puisqu’on ne s’est pas battu. Quelques groupes socialistes n’ont pas le droit d’imposer leur système à la France qui recule ; mais, quand je disais dans l’abominable 16e Bulletin que le peuple a droit de sauver la République, j’avais si fort raison, que je remercie Dieu d’avoir eu cette inspiration si impolitique. Tout le monde l’avait aussi bien que moi ; mais il n’y avait qu’une femme assez folle pour oser l’écrire. Aucun homme n’eût été assez bête et assez mauvaise tête pour faire tomber de si haut une vérité si banale. Le hasard, qui est quelquefois la Providence, s’est trouvé là pour que l’étincelle mît le feu. J’en rirais sur l’échafaud, si cela devait m’y envoyer. Le bon Dieu est quelquefois si malin !

Mais que M. Ledru-Rollin s’en défende, je le veux de tout mon cœur, et je l’y aiderai tant qu’il voudra. Je l’eusse fait plus tôt s’il ne m’eût dit que cela n’en valait pas la peine. Pourtant puisque l’accusation de ce fait prend place dans les choses officielles, hâtons-nous de dire la vérité. Ce que je n’accepte pas, c’est que M. Elias Regnault ou quelque autre (je ne sais pas qui) arrange la vérité à sa manière.

Nous voyons donc que George Sand en acceptant toute la responsabilité morale du 16e Bulletin s’empressait de décharger et de défendre les autres.

Quant à sa participation à l’événement même du 15 mai, il existe deux versions : d’après la première elle avait assisté à la séance de l’Assemblée et avait été vue dans la tribune du corps diplomatique parmi les dames peu nombreuses qui y étaient restées bravement jusqu’à la fin, n’ayant quitté la tribune qu’au moment où l’ordre fut donné de la faire évacuer[1].

D’autre part, George Sand convient qu’elle a suivi en qualité de spectateur le cortège populaire, mais elle nie carrément avoir pris part à la conspiration ou avoir harangué le peuple. Il faut noter le fait étrange que Mme Sand, ainsi que son fils, prirent pour nier la chose et pour réfuter « les bruits qui couraient un ton badin, humoristique, d’une légèreté

  1. Selon la mention ci-dessous d’une lithographie de l’époque, « Le 15 mai, dessiné d’après nature par François Bonhomme. »