Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/163

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de les grouper autour d’un sujet de roman quelconque et de types imaginaires quelconques…

D’après le plan primitif, il devait y avoir trois romans qui se faisaient suite ou pendant : le Diable aux champs, le Diable à la ville et le Diable en voyage. Dans le premier, Mme Sand voulait peindre avec équité tous les partis et coteries politiques qui étaient à l’apogée de leur activité vers la fin de la deuxième République. Mais, après le 2 Décembre, il était impossible, selon elle, de parler avec une égale impartialité de ceux qui étaient les vaincus en 1851 et rachetaient leurs erreurs dans les prisons ou l’exil — et des représentants du parti triomphant : « Ce serait une lâcheté. »

Pour cette raison, elle ne continua point sa trilogie, et fit même des coupures dans le roman déjà écrit ; elle « l’expurgea de toute discussion vive, de toute physionomie accusée d’actualité », et elle ne le donna à l’impression qu’en 1855.

L’esprit du livre est resté ce qu’il était, rien n’y a été changé, mais beaucoup de détails ont été supprimés. Peut-être que le roman y a gagné : il n’était que le prétexte du livre, il en est devenu le but.

Nous croyons toutefois que malgré ces coupures, son intérêt principal gît justement dans le contre-coup des agitations du moment reflétées dans le roman, et dans la reproduction presque photographique de la réalité ambiante dans les derniers mois de la deuxième République.

Ce roman est bien un document humain, une œuvre presque autobiographique. L’auteur le comprend parfaitement en disant dans sa dédicace à M. Alexandre Manceau :

Quelques scènes de ce roman dialogué sont pour nous des souvenirs. Nous étions encore gais en les commentant dans nos causeries de famille. Que de chagrins ont passé sur nous depuis ce temps-là ! En si peu de temps, que d’inquiétudes, que de séparations, que de morts ! Nous avons ri et pleuré ensemble : il est bien juste que je dédie cette page du passé au plus fidèle, au plus dévoué des amis.

Et effectivement, des volumes entiers de correspondances et de mémoires ne rendraient pas aussi vivement, avec autant