Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/165

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nant au château, tantôt près du pavillon, tapissé de lierre, où Jenny cache la comtesse, et dans lequel quiconque a jamais été à Nohant, reconnaît immédiatement le pavillon du parc, sur la route menant à la Châtre.

Une seule personne n’est pas peinte sur nature, c’est l’héroïne principale, autour de laquelle se déroule toute l’action du roman, c’est une certaine jolie pécheresse (fort déplaisante au fond), ex-camarade villageoise de Jenny, du nom de Céline Tarantin, Myrto de son nom de cocotte, et qui vient à Noirac.

La simple intrigue ne sert que de cadre permettant à l’auteur de tracer les figures bien connues avec tous leurs traits saillants et leurs particularités. Voici Maurice, entreprenant et inventeur, tantôt exerçant ses pompiers, tantôt taillant d’un morceau de bois quelque marionnette, tantôt composant un scénario pour le spectacle du soir, tantôt construisant et faisant naviguer un bateau, le Mayeux, et au milieu de tout cela répétant imperturbablement son adage favori : Félix qui potuit rerum cognoscere causas. Voici Eugène adonné à son art… Voici Émile le politicien. Voici Damien, l’ami et l’aide de tout le monde, s’oubliant pour rendre service ou faire plaisir à l’un des camarades.

Et le milieu où ils agissent est aussi bien réel. D’une part, c’est la vie à Nohant peinte d’après nature avec ses discussions, philosophiques et politiques, ses préoccupations artistiques, avec tous les intérêts si variés et les gaies escapades de la jeunesse.

D’autre part, c’est le milieu provincial et petit bourgeois avec ses platitudes, ses potins, ses prétentions comiques, son avarice, sa curiosité invraisemblable, et sa médiocrité fabuleuse ; puis les vieux paysans bornés, inertes et superstitieux, et les jeunes, commençant à s’éveiller à une vie nouvelle, et enfin les représentants du clergé, bonshommes voulant vivre en paix avec tout le monde, et jouir de l’existence. Et finalement, c’est la vie sociale en 1851, dans le large sens du mot, — avec ses luttes de partis, de classes et d’intérêts, avec la tension de quelques esprits d’élite vers des buts si divers. Tout cela est narré en forme de dialogues des personnages, se succédant sans trêve et interrompus,