vous envoyer la supplique sont graciés, j’en suis certaine, sans m’en informer. Mais vous m’avez aussi accordé la commutation de peine de M. Luc Desages, gendre de M. Pierre Leroux, condamné à dix ans de déportation ; vous avez permis qu’il fût simplement exilé, et, avec votre autorisation, j’avais annoncé cette bonne nouvelle à sa famille.
Cet ordre de votre part n’a pas eu son exécution, ce doit être ma faute ! Je vous ai donné un renseignement inexact. Il a été condamné par la commission militaire de l’Allier, à Moulins, et non pas à Limoges comme j’avais eu l’honneur de vous le dire.
Prince, daignez réparer d’un mot ma déplorable maladresse, et l’erreur plus déplorable encore d’un jugement inique.
Ah ! prince, mettez donc bientôt le comble à mon dévouement pour votre personne, phrase de cœur qui sous ma plume est une parole sérieuse. Votre politique, je ne peux l’aimer, elle m’épouvante trop pour vous et pour nous. Mais votre caractère personnel, je puis l’aimer, je le dois, je le dis à tous ceux que j’estime. Faites cette conversion plus étendue, dans les limites où vous avez opéré la mienne, cela vous est facile.
Aucune âme de quelque prix ne transformera son idéal d’égalité en une religion de pouvoir absolu.
Mais tout homme de cœur, pour qui vous aurez été juste ou clément en dépit de la raison d’État, s’abstiendra de haïr votre nom et de calomnier vos sentiments. C’est de quoi je peux répondre à l’égard de ceux sur qui j’ai quelque influence. Eh bien, au nom de votre propre popularité, je vous implore encore pour l’amnistie ; ne croyez pas ceux qui ont intérêt à calomnier l’humanité, elle est corrompue, mais elle n’est pas endurcie. Si votre clémence fait quelques ingrats, elle vous fera mille fois plus de partisans sincères. Si elle est blâmée par des cœurs sans pitié, elle sera aimée et comprise par tout ce qui est honnête dans tous les partis.
Et, aujourd’hui, accordez-moi, prince, ce que deux fois vous m’avez fait sérieusement espérer. Ordonnez l’élargissement de tous mes compatriotes de l’Indre. Parmi ceux-là, j’ai plusieurs amis, mais que justice soit faite à tous ; puisque personne ne s’est déclaré contre vous, ce n’est que justice. Qu’on sache que ce que vous m’avez dit est vrai : « Je ne persécute pas la croyance, je ne châtie pas la pensée. »
Que cette parole, remportée dans mon cœur de l’Élysée et qui m’a presque guérie, reste en moi comme une consolation au milieu de moi effroi politique…
Ah, cher prince, on vous calomnie affreusement à toute heure, et ce n’est pas nous qui faisons cela. Pardon, pardon de mon insistance ! qu’elle ne vous lasse pas ; ce n’est plus un cri de détresse seulement, c’est un cri d’affection, vous l’avez voulu. Mais, en attendant cette