Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/219

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aveugle ou je vois que le grand coupable, c’est la France, et que, pour le châtiment de ses vices et de ses crimes, elle est condamnée à s’agiter sans solution durant quelques années, au milieu d’effroyables catastrophes.

Le président, j’en reste et resterai convaincue, est un infortuné, victime de l’erreur et de la souveraineté du but. Les circonstances, c’est-à-dire les ambitions de parti, l’ont porté au sein de la tourmente. Il s’est flatté de la dominer ; mais il est déjà submergé à moitié et je doute qu’à l’heure qu’il est, il ait conscience de ses actes.

Adieu, mon ami, voilà tout pour aujourd’hui. Ne me parlez plus de ce qu’on dit et écrit contre moi. Cachez-le-moi ; je suis assez dégoûtée comme cela et je n’ai pas besoin de remuer cette boue. Vous êtes assez renseigné par cette lettre pour me défendre s’il y a lieu, sans me consulter. Mais ceux qui m’attaquent méritent-ils que je me défende ? Si mes amis me soupçonnent, c’est qu’ils n’ont jamais été dignes de l’être, qu’ils ne me connaissent pas, et alors je veux m’empresser de les oublier.

Quant à vous, cher vieux, restez où vous êtes jusqu’à ce que cette situation s’éclaircisse, ou bien, si vous voulez venir quelque temps, dites-le-moi. Baraguay d’Hilliers ou tout autre peut, je crois, demander un sauf-conduit pour que vous veniez donner un coup d’œil à vos affaires. Mais n’essayons rien de définitif avant que le danger d’un nouveau bouleversement soit écarté des imaginations.

George Sand.

Non moins intéressantes que la lettre à Hetzel sont les deux lettres que George Sand adressa quatre jours plus tard à Ernest Périgois, à la prison de Châteauroux, et à Luigi Calamatta à Bruxelles. Nous n’en donnons toutefois que des extraits :

À Monsieur Ernest Périgois, à la prison de Châteauroux.
Paris, le 24 février 1852.

Mon cher ami, je vous remercie de votre bonne lettre. Elle m’a fait grand plaisir. On ne me soupçonne donc pas parmi vous ? À la bonne heure, je vous en sais gré, et je puiserai dans cette justice de mes compatriotes un nouveau courage. Ce n’est pas la même chose ici. Il y a des gens qui ne peuvent croire au courage du cœur et au désintéressement du caractère ; et on m’abîme par correspondance dans les journaux étrangers. Qu’importe, n’est-ce pas ?