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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/258

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George Sand qui y voyait, avec raison, « un affront à la littérature ».

… Comment peut-on, disait-elle[1], assimiler la tâche de l’artiste à celle du pamphlétaire honteux ? Si j’avais voulu peindre une figure historique, je l’aurais nommée. Ne la nommant pas, je n’ai pas voulu la désigner ; ne la connaissant pas, je n’aurais pu la peindre. S’il y a ressemblance fortuite, je l’ignore, mais je ne le crois pas. Tout personnage d’invention est plus fort et plus logique que nature, dans le bien ou dans le mal. On peut tracer la figure d’une classe d’ambitieuses qui ont échoué et qui ont réussi dans leurs projets, sans avoir aucune figure en vue, et je crois qu’il vaut beaucoup mieux pour l’artiste qu’il en soit ainsi. Vous savez tout cela aussi bien que moi. Vous êtes du bâtiment, Panoptès[2] trahit donc la fraternité maçonnique littéraire, en parlant comme il le fait…

Il n’est que trop vrai que si l’on ne tient pas compte du talent très hardi d’écuyère par lequel se distinguait Mlle de Montijo, tout comme Mlle d’Ortosa — (la seconde héroïne de Malgrétout, comme qui dirait la prima-donna di carattere, cédant le pas à la vraie héroïne, le soprano leggiere d’opéra) — si on oublie sa provenance espagnole et sa coquetterie exotique et si l’on ne s’attarde pas trop sur la profession de foi de cette même Mlle d’Ortosa et surtout sur son aveu que dans ses rêves ambitieux elle ne se contente que d’une couronne de souveraine pour couronne de mariée, Mlle d’Ortosa ne saurait être prise pour un portrait. Mais il y a toutefois des traits de ressemblance curieux qui avaient pu induire en erreur les contemporains, toujours avides de rechercher les clefs des romans, et Ton comprend, aussi, aisément que l’ex-mademoiselle de Montijo ait pu y découvrir certaines pensées intimes dont elle n’avait certes jamais fait l’aveu à personne. Il est surtout un passage dans ce roman qui nous paradt curieux à citer, c’est justement la conclusion de la profession de foi de Mlle d’Ortosa :

… Je ne puis parler du présent qu’en expliquant l’avenir. Donc, le voici, voici le but. Je ne l’ai entrevu que récemment, c’est-à-dire après

  1. Correspondance, t. V, p. 384-385. Voir aussi, à ce sujet, à la page suivante de la Correspondance, la lettre au docteur Favre.
  2. Pseudonyme du critique de la Liberté.