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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/275

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de consoler et de sauver immédiatement ceux qu’on pouvait encore sauver.

Nous nous inclinons devant Jeanne d’Arc, son oriflamme en mains, volant au-devant des ennemis de son pays. Nous admirons Mme de Staël déclarant bravement la guerre à outrance au souverain de l’Europe. Mais combien nous semble plus adorable cette sainte Élisabeth, son tablier rempli de pain pour les mendiants, s’acheminant doucement, mais courageusement vers les indigents, malgré la défense sévère de son seigneur et maître, visitant les hôpitaux et y subissant les injures des moines, représentants de cette même doctrine du Christ qu’elle venait prêcher par son apostolat sublime. Si les discours passionnés de George Sand en 1848, ses bulletins, ses articles resplendissent du feu de l’enthousiasme, de l’ardeur militante, quelle douce chaleur, quel souffle de charité, de pitié s’exhale des innombrables paperasses qui sont comme le monument manifeste de ses relations, en 1852, avec Napoléon et son entourage d’une part, et avec ses amis républicains d’autre part. Les républicains outrés condamnèrent George Sand tout aussi férocement que le landgrave de Hesse qui arracha furieusement le tablier des mains de sa femme ; ils ne comprenaient pas mieux ce qu’elle faisait et ils crurent qu’elle dérogeait, comme les moines thuringiens qui ne comprenaient pas comment une princesse pouvait s’abaisser au point de servir la vile multitude. Et la sainte landgrave fut déclarée folle, enfermée, délaissée par tout le monde. Mais les années s’écoulèrent, et la mémoire de la grande sainte resplendit et fleurit toujours, comme les roses qui tombèrent de son tablier… Le lointain historique change les points de vue, il apaise les passions, les indignations, les colères. Et toutes ces feuilles jaunies, ces listes, ces « mémoires », ces demandes et ces réponses officielles nous apparaissent autant de saintes roses qui ceignent la tête de George Sand de la plus belle couronne que puisse porter une femme, la couronne de pitié, de charité et de miséricorde !