Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/307

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rendu un grand service moral à l’auteur qui voulait, avant tout, réfuter l’opinion courante que ses personnages n’étaient ni vivants, ni réels. Cette dernière allusion visait Jules Janin qui avait attaqué George Sand à propos de Favilla et surtout à propos de l’avant-dernière version de cette pièce, la Baronnie de Muhldorf, point jouée, mais imprimée à Bruxelles. Jules Janin prétendait que dans toutes ses pièces George Sand sacrifiait les honnêtes bourgeois aux artistes déréglés et vagabonds, et en exhaussant ces derniers, détestait et maudissait les premiers, mais que, surtout, elle peignait des idéalistes, n’existant pas dans la vie réelle.

George Sand répondit par une lettre[1], dans laquelle elle défendait son droit de peindre des types positifs ou négatifs dans toutes les classes de la société et de les peindre avec les traits caractéristiques adhérents à chacun : un bourgeois ou un marchand, comme un homme prosaïque, sec, mais honnête, un musicien exalté, comme un homme fantaisiste et peu pratique, mais aussi honnête et adorant l’idéal ; et, avant tout, elle défendait son droit de peindre au milieu d’un siècle adonne à la poursuite fiévreuse du gain, des hommes artistes ou bourgeois, peu importe ! qui sont entièrement guidés par le sentiment du devoir, lui apparaissant sous quatre formes : l’honneur, le devoir professionnel, la fidélité dans l’amour, le culte de l’idéal.

À l’époque de la mise en scène de Favilla se rattache un épisode fort intéressant et presque inconnu même des connaisseurs de l’histoire littéraire :

Lors de la première de Claudie le rôle de la Grand’ Rose fut joué par Mlle Daubrun, « la belle Daubrun », comme Mme Sand la nommait dans sa Préface pour l’édition de Claudie, où elle disait beaucoup de choses flatteuses sur cette artiste. Et c’est justement à cette actrice et à son désir de jouer dans Favilla aussi, que se rapporte une série de documents fort curieux que nous avons retrouvés dans les papiers de George Sand. Premièrement c’est une lettre que Mlle Daubrun écrivit à Mme Sand le

  1. Corresp., t. IV, p. 68.