Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/328

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leur ville bienheureuse dans le prétendu bourg de la Faille sur Gouvre[1] où l’action de ce roman est censée se jouer, car non seulement tous ceux qui visitèrent La Châtre reconnaîtront d’emblée cette ville par ce détail topographique, mais aussi chaque lecteur de l’Histoire de ma vie se souviendra, d’abord confusément, d’avoir lu quelque part la description d’un théâtre adossé à un couvent de religieuses ou se trouvant même sous le même toit que cette communauté. Et en ouvrant l’Histoire il retrouvera effectivement dans le chapitre vii, p. 204-205, du volume premier et p. 55-56 vol. III la description de ce même emplacement qu’on voit dans Narcisse. Or, le roman aurait pu prendre le titre de la toute première œuvre de George Sand[2], la Comédienne et la Religieuse, car ses deux héroïnes sont : l’actrice Julia — passionnée, désordonnée, ne sachant point se maîtriser, nous dirions « hystérique », et la jeune « chanoinesse », Juliette, qui, quoiqu’elle n’ait point pris le voile, a quitté le monde et s’est dévouée à élever des orphelines. Elle manque de devenir la rivale de Julia, en aimant le même homme, un acteur dévergondé, elle le sauve pourtant, par la force de ses raisonnements et ses soins maternels, d’un abaissement définitif, et le ramène dans la bonne voie. Quant à elle, elle meurt n’ayant pu supporter le choc de la dure prose de la vie. Elle épouse in extremis Narcisse qui l’aimait depuis longtemps avec abnégation. Ce qui est le plus intéressant dans le roman, c’est sans doute le commencement où nous voyons peints en traits réalistes (et il faut noter ce reflet du naturalisme, alors à ses débuts), les mœurs et les us de La Châtre, les soirées de théâtre dans cette ville et enfin les deux natures d’artistes-viveurs : la Julia dépourvue d’équilibre, se jetant toujours dans les extrêmes, et Albani vivant aux dépens des autres, se drapant toujours dans

  1. Nous avons raconté dans notre vol. II comment George Sand avait en passant répondu dans la Préface de Jean de la Roche aux récriminations des habitants de La Châtre qui avaient reconnu leur ville, le vrai but de cette préface ayant été de répondre aux procédés hostiles de Paul de Musset qui avait reconnu dans Elle et Lui le portrait de son frère Alfred et les détails de son roman vécu.
  2. Rose et Blanche ou la Comédienne et la Religieuse (v. notre vol. Ier p. 336-340).